Rencontre avec des cousins

Publié le par lavieenpartage

En hommage à mon grand pére !!!!!

par Ingrid O'connell, lundi 31 octobre 2011, 16:44 

Vous ne l’aviez pas connu Marc O’Connell autrement qu’avec sa barbe blanche ? Moi non plus. Comment était-il AVANT ?

 

Faisons quelques arrêts sur l’image du film de sa vie. Quelques fragments.

 

* * *

1937 –Léningrad. Le quartier historique, un bel immeuble du début du siècle. (Cet immeuble existe toujours – Nous l’avons trouvé avec Marc sur Google Maps et Marc m’avait montré où étaient les fenêtres  et où il avait cassé son vélo 80 années auparavant.). Le père de Marc, Nicolai Tchéstiakov y vit en union libre avec une française, Madeleine O’Connell et leurs deux enfants.  Pourquoi Madeleine porte  le nom irlandais ?   Parce que  le destin de la famille de Marc  et le destin de Marc lui-même est un extraordinaire enchevêtrement  des nationalités et des fronts de guerre. C’est un condensé de l’histoire européenne du 19ème et 20ème siècle.

 

Des coups à la porte. Les agents de NKVD « Commissariat du peuple aux Affaires intérieures »  embarquent le père de Marc. Marc a alors 14 ans. Il ne verra plus jamais son père.

 

* * *

 

1953. La Sibérie. Le goulag de Vorkouta. Le haut lieu de la martyrologie stalinienne. C’est au cercle polaire et il y fait - 40 ou  -50 voir – 60 la nuit en hiver. Marc travaille à la mine numéro 8. Le réveil dans le noir à 5 h du matin. Distribution de pain. Nouvelle sélection des détenus. Certains  devront partir et on ne sait pas quel sort les attend. Marc s’approche de l’un d’eux, Armand – un franco-arménien et lui donne ses trésors : une ration de pain, une boite d’allumettes et un peu de machorka (tabac) enveloppé dans le papier journal.

Je n’ai pas imaginé cette scène, j’ai lu ceci dans « Les fils du  Goulag » , page 161 – autour : Armand Malounian.

* * *

 

1955. Le goulag de Potma au sud-est de Moscou. Le camp de transit, en l’attente de la libération. Mark est toujours prisonnier mais il ne travaille plus. Les hommes ne sont plus séparés des femmes.  Marc a désormais une femme Liliane et un fils George.  George a été enlevé à Liliane quand il était bébé, amené à l’orphelinat et destiné à être l’enfant de la patrie soviétique. Une marque à côté de son nez  est encore aujourd’hui la preuve du plus grand amour maternel que l’on puisse imaginer. Liliane l’avait blessé volontairement avant qu’il lui soit enlevé pour avoir une chance de le retrouver un jour. Elle l’a marqué. En tant  que le fils de Marc, George sera français et sera libéré.

George, petit blondinet, aimé par tous, y compris les gardiens, arrive parfois à se faufiler entre les grandes personnes pour  voir, à travers un grand portail qui s’ouvre – l’horizon au loin, le grand espace. Cela le fascine – il n’a jamais vu autres choses que les murs.

 

* * *

 

1964. En France, en route pour  la plage, dans les Landes.  Mark est tout fier de sa toute nouvelle Simca. Il a toujours rêvé d’une voiture. Papa, maman et un adolescent. Une relative prospérité  - nous sommes au milieu des « trente glorieuses ». Marc gagne pas mal d’argent en tant que le traducteur technique franco-russe. Il pense pouvoir bientôt acheter une maison.

 

Tout le monde croit que c’est une famille comme les autres. Mais ce n’est pas tout à fait une famille comme les autres car les séquelles des années de goulag sont là.

 

* * *

 

1975. Paris. Marc et sa compagne Tatiana sont à table avec un couple fraichement débarqué de Russie via Israel. Après le repas ils confectionnent tous les quatre  des marionnettes car ces nouveaux arrivants n’ont pas un sous et espèrent en gagner un peu en faisant des spectacles des marionnettes dans le métro. Ils étaient nombreux ces immigrants de l’est démunis aidés dans les années 70 par Marc et Tatiana. L’un d’eux s’est révélé plus tard être le double agent de KGB et de Mossad et il est aujourd’hui milliardaire. Tout le contraire de Marc.

 

* * *

 

L’année 2000. Porte de la Chapelle à Paris, près de minuit, le quartier chaud de la capitale.  Nous sortons (Marc, moi, notre fils André et un ami) d’une soirée bien arrosée au restaurant. Nous tombons sur un groupe des jeunes de banlieue grands et forts  avec un énorme rottweiler. Sans muselière. Un groupe que la plupart de gens  aurait plutôt contourné. Mais pas Marc. Il va droit vers eux, ils s’écartent, Marc saisi la tête du chien, le gratte derrière les oreilles. Il l’embrasse même. Le rottweiler devient un gentil petit toutou qui remue sa queue.

C’est symbolique. Pour Marc il n’avait pas des méchants sur cette terre. Il y avait seulement ceux qui n’avaient pas encore tout compris et qui étaient dans l’erreur.

Marc qui a subi les pires atrocités, qui a subi la torture au sens propre et non au sens  figuré du terme, n’en voulait à personne. Aucune haine, aucune volonté de revanche. « Je suis de nature pacifique » dit-il dans l’interview qu’il a donné en 1991 aux deux historiens. Cet interview est consultable et le sera pour les générations futures dans le fond audiovisuel « Mémoire grise de l’Est » à la Bibliothèque de la documentation de l’histoire contemporaine » à Nanterre.

 

* * *

 

L’extraordinaire vie de Mark a été pleine des paradoxes : Le mot liberté qu’il répétait si souvent a une signification bien particulière dans le contexte de l’histoire de sa vie.

Qui était Marc : L’homme libre ou – à cause des son passé des goulags - l’esclave moderne ?

Un ascète comme ces saints de Moyens Age qui se contenaient de si peu ? Ou bien l’homme qui aimait trop la vie, les fêtes, les femmes – trop de femmes ?

 

Ce qui est sûr ce que pour Marc il n’existait pas la distinction entre EUX et NOUS.

 

George, le fils de Liliane, Andre, mon fils mais également les enfants de Tatiana, (Christina, Tataszka et leur frère)  les enfants et petits enfants de Monique : Sylvie, Katie, Samuel, Adrien, Marie. Alienor, la fille de Martine. Et peut être d’autres. Ceux qui sont avec nous aujourd’hui et ceux qui ne le sont pas. Ceux qui se connaissent  entre eux et ceux qui ne se connaissent pas. Malgré l’éloignement géographique, les différences d’âge, les différences de convictions idéologiques ou religieuses, vous êtes tous les enfants de Marc, parce que cela lui ferait un très grand plaisir.

 

Tiens, j’ai oublié quelqu’un. Camille. Non, je ne l’ai pas oublie. Marc n’avait pas promené Camille dans sa poussette quand elle a été petite ni fait ses devoirs avec elle. C’est plutôt l’inverse : c’est Camille  qui donnait à Marc à manger cuillère par cuillère les compotes de bébé ces dernières semaines  Et pourtant Camille ne doit rien à Marc.

 

Un très grand merci à Camille et Samuel et leur petit Ferdinand d’avoir bien voulu accueillir Marc sous leur toit à la fin de sa maladie. Merci à Monique qui accompagnait Marc à l’hôpital et allait le voir presque tous les jours lors de l’hospitalisation. Merci à tous ceux qui prenaient les nouvelles de Marc et qui s’intéressaient à lui.

 


 

 

et sur la suite de l'histoire du nom

Ingrid a une fille qui s'appelle O'connell !!!!

elle est née au Brésil et habite prés de marseille

Publié dans instant présent

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article